La Commission de conciliation et d’indemnisation, solution miracle ?

Il m’arrive régulièrement de proposer à mes clients de saisir la Commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et infections nosocomiales (ou "CCI") en première intention.

Rares sont ceux qui en ont entendu parler.

D’autres l’ont déjà saisie, seul(e)s, puis me contactent en plein doute, à réception de plusieurs courriers d'avocats et d'expert.

C’est l’occasion de faire un point : qu'est ce que la CCI ? A quoi sert-elle ? Faut-il la saisir ?

Qu’est ce que la CCI ?

Il s’agit d’une Commission extra-judiciaire chargée de se prononcer sur des litiges qui ont pour origine un acte de prévention, de diagnostic ou de soins.

Cela exclut notamment les actes dit « de confort », tels que la chirurgie esthétique (et non réparatrice !)

Son intervention est gratuite pour le demandeur.

Elle est rapide : la Commission doit se prononcer dans les six mois alors qu’une procédure judiciaire peut durer plusieurs années.

Il ne s’agit pas d’une juridiction. Elle ne rend pas de jugement et ses décisions n’ont pas force exécutoire.

Néanmoins, sa saisine et son intervention sont strictement encadrées par la loi et les décisions qu’elle rend sont contraignantes.

La CCI est-elle compétente pour examiner la demande ?

La CCI n’est compétente que pour instruire les accidents médicaux graves. Elle ne se prononce pas pour les préjudices les moins graves.

Les critères sont les suivants :

  • Un fait générateur (la cause du dommage) postérieur au 4 septembre 2001 ;
  • un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique (AIPP) supérieur à 24 % ;
  • ou un arrêt temporaire des activités professionnelles (ATAP) pendant une durée au moins égale à six mois consécutifs ou à six mois non consécutifs sur une période de douze mois ;
  • ou des gênes temporaires constitutives d'un déficit fonctionnel temporaire (DFT) supérieur ou égal à un taux de 50 % pendant une durée au moins égale à six mois consécutifs ou à six mois non consécutifs sur une période de douze mois ;

Ou à titre exceptionnel :

  • lorsque la victime est déclarée définitivement inapte à exercer l'activité professionnelle qu'elle exerçait avant l'accident médical ;
  • lorsque l'accident médical, l'affection iatrogène ou l'infection nosocomiale occasionne des troubles particulièrement graves, y compris d'ordre économique, dans ses conditions d'existence (TPGCE).

Il est possible de saisir la CCI, même si on ne remplit pas ces critères : l'analyse est effectuée après le dépôt du dossier complet.

La CCI peut, d’emblée, se déclarer incompétente lorsque les critères ne sont manifestement pas atteints.

Elle peut également confier à un expert le soin de donner un avis sur le dossier. Si l’expert estime que les critères ne sont pas atteints, elle se déclarera incompétente.

Lorsque la CCI se déclare incompétente, elle propose de saisir sa formation de conciliation : l’idée est d’organiser une rencontre avec le professionnel de santé, l’établissement et/ou son assureur afin de trouver une solution.

Si la CCI se déclare compétente, la procédure extra-judiciaire se poursuit.

La procédure devant la CCI

La CCI rend une décision par laquelle elle nomme un expert médical (ou un collège d’experts).

Une expertise médicale est ensuite organisée en présence de toutes les parties.

L'expert dépose un rapport d’expertise qui est transmis à toutes les parties, assorti d’une convocation à une réunion qui se déroule devant la CCI.

A l’issue de cette réunion, la Commission rend un avis :

  • par lequel elle déclare la demande recevable, fixe les postes de préjudices et demande au responsable ou à l’ONIAM, de formuler une offre d’indemnisation
  • par lequel elle déclare la demande irrecevable

Elle peut également s’estimer insuffisamment informée et demander un complément d’expertise ou ordonner une nouvelle expertise.

L’offre d’indemnisation

Lorsque l’avis rendu par la CCI est favorable à une indemnisation, le ou les assureurs, ou l’ONIAM, dispose d’un délai de quatre mois pour formuler une offre à la victime.

Si la victime accepte l’offre, une transaction est formalisée.

Si la victime juge l’offre insuffisante ou n’est pas d’accord avec l’avis, elle a la possibilité de refuser l’offre.

Enfin, l’assureur a également la possibilité de refuser de formuler une offre. Dans ce cas, l’ONIAM a la faculté de se substituer et de formuler une offre à la place de l’assureur.

L’ONIAM poursuivra ensuite l’assureur pour récupérer l’indemnité versée.

Remarque : en cas de refus injustifié, l’assureur s’expose à rembourser l’ONIAM et à lui payer une pénalité qui peut atteindre 15% de l’indemnisation.

Dans quels cas faut-il saisir la CCI ?

  • En cas de prise en charge médicale complexe (plusieurs intervenants et établissements de santé) rendant difficiles les discussions amiables,
  • En cas de suspicion d’infection nosocomiale (car l’ONIAM peut être susceptible d’intervenir)
  • En cas de suspicion d’accident médical non fautif (car l’ONIAM peut être amené à intervenir)

Cela suppose évidemment une analyse préalable du dossier par l’avocat et, éventuellement, un de ses médecins conseils, afin de déterminer si les critères de compétence sont réunis.

Quelles sont les mauvaises raisons de saisir une CCI ?

  • profiter d'une procédure gratuite et rapide
  • Faire l'économie du recours à un avocat

Rapidité et gratuité ne sont pas synonymes de qualité : l’avocat est indispensable dans toutes les affaires de droit de la santé.

En agissant seul(e), vous vous exposez :

  • A une mauvaise instruction du dossier par la CCI,
  • A un rapport d’expertise contestable, ayant donné trop de crédit aux arguments de la partie adverse qui, elle, s’est fait assister par un avocat et un médecin conseil,
  • A une décision de la CCI faisant une liste erronée des postes de préjudices,
  • A une offre d’indemnisation trop basse formulée par l’assureur ou l’ONIAM.

Or, contester un rapport d'expertise nécessite la saisine d'un tribunal: c'est une procédure longue et couteuse... sans garantie de résultat.

Aussi, le recours à une CCI dans un souci de rapidité et d'économie... était-ce vraiment une bonne idée ?